par Ahou Rachel KOUMI
Ce blogpost est la première partie d’une série de deux blogs sur les Journées de l’Innovation en Contexte Académique réalisées du 19 au 22 novembre 2019 à Abidjan, Côte d’Ivoire.
La réalisation des journées de l’innovation en contexte académique en 2019 a été pour moi l’aboutissement d’un long processus de collaboration Nord-Sud. Je suis chercheure associée à Open African Innovation Research (Open AIR) et chargée de la valorisation des résultats de la recherche et de l’innovation au Centre de Recherches Océanologiques à Abidjan en Côte d’Ivoire. Au cours de mes différents stages de perfectionnement et de formation pour occuper ce poste, je découvre le processus de l’innovation et sa mise en œuvre en milieu universitaire. Ce processus bien complexe soit-il, est constitué d’espace dédié, d’accompagnement à l’utilisation de diverses machines à usage numérique, de coworking, d’utilisation des outils et méthodes collaboratives et de la pratique du ‘Do It Yourself’ grâce aux innovations accessibles en open source. Très tôt la question de comment faire découvrir le processus de l’innovation au système universitaire de Côte d’Ivoire s’est posée à moi. J’ai alors rédigée un projet d’espace d’innovation ouvert en milieu universitaire pour mon centre. Espace orienté sur la collaboration avec le grand public pour innover, prototyper et proposer des solutions innovantes aux problèmes locaux. Les évènements réalisés pendant les journées de l’innovation en contexte académique ont alors permis d’expliquer le processus de l’innovation au système de l’enseignement supérieur de la Côte d’Ivoire dans l’optique de partager une même compréhension de l’innovation et de susciter un bon accueil aux projets d’espaces d’innovations en milieu académique.
L’innovation : un processus
L’innovation technologique, qui est décrite comme le moyen d’ascension des pays africains au développement, est de plus en plus promue en milieu universitaire. Toutefois le processus de l’innovation reste méconnu par la majorité des parties prenantes qui la recommande. Autrement dit, bien que l’innovation soit mise de l’avant dans les appels à projets des fonds de développement de la recherche scientifique ivoirienne, les différentes catégories d’innovation, leur nature, objet et intensité et le processus permettant d’obtenir les résultats restent en général méconnus des principaux acteurs. En outre, une bonne définition du type d’innovation souhaité permet de mettre en place une stratégie adaptée en termes de processus d’innovation et de définir les conditions de mise en œuvre, notamment, environnementales, temporelles, techniques, humaines, financières, etc. Toutefois, la créativité, les éléments de cadrage et l’intelligence collective demeurent les conditions favorables à la pratique de l’innovation. Le processus de l’innovation, déployé dans les Laboratoires d’innovation, les Hubs, les FabLab et les Markers places, est de plus en plus appliqué dans les universités et grandes écoles de l’enseignement supérieur. Le FabLab d’AALTO, le FabLab de Barcelone, le FabLab de l’Université de Falmouth’ et le Laboratoire Ouvert d’Innovation Multidisciplinaire de l’Université de Bretagne Occidentale ‘UBO Open Factory’ sont des modèles de réussite du déploiement du processus de l’innovation en milieu universitaire.
Échanges sur le potentiel des espaces d’innovation dans l’enseignement supérieur
Pour sensibiliser le personnel universitaire et le grand public, deux conférences et une table ronde sur l’innovation ont été organisées en collaboration avec l’UBO Open Factory, le Laboratoire Ouvert d’Innovation Multidisciplinaire de l’Université de Bretagne Occidentale, le mardi 19 novembre 2019 à l’Université Félix Houphouët Boigny à Abidjan. Les termes abordés sont :
- Les espaces d’innovation dans l’Enseignement Supérieur : quels potentiels ?
- Les FabLab comme levier de création d’outils innovants low-cost au service de l’exploration Océanographique.
- L’écosystème d’innovation, les freins à l’innovation et les thématiques prioritaires à traiter en Côte d’Ivoire.
Ces échanges ont porté sur la vision de l’innovation au sein du monde universitaire et sur le déploiement des programmes de science participative crées et co-construits conjointement par les Instituts de recherche académique, la société civile et les organismes dédiés à la promotion de l’innovation. Ces programmes interdisciplinaires, impliquant des scientifiques et non scientifiques ayant des compétences différentes et complémentaires basées sur les technologies open source (design, électronique, technique, scientifiques et bien d’autres), aboutissent à des solutions adaptées à la réalité des communautés locales. De plus, la conception et la création d’outils innovants abordables et accessibles sont possibles grâce à la collaboration avec les FabLab et les tiers lieux. La collaboration recherche scientifique-FabLab permet l’accès aux machines numériques spécifiques et aux communautés de savoirs et de compétences essentiels pour prototyper et fabriquer des solutions en collaboration. Il ressort des deux conférences que les espaces d’innovation et les technologies open source permettent de promouvoir l’innovation grâce à de nouvelles manières de collaborer. Les personnes qui ont assisté à ces deux conférences, ont exprimé leur intérêt au processus présenté, notamment en ce qui a trait au mode et aux sources de financement, aux risques, aux facteurs de réussite et d’échec et aux enjeux pour l’enseignement supérieur ivoirien.
L’écosystème d’innovation dans le milieu universitaire en Côte d’Ivoire
Les participants à la table ronde ont participé à la méthode participative d’identification des problèmes. Ils ont été invités à s’exprimer sur l’écosystème de l’innovation du système universitaire ivoirien, et ce, en utilisant des post-it au lieu de prendre la parole oralement. Quatre questions fondamentales ont été posées aux participants. Chacun des participants à la table ronde a été invité à écrire deux réponses par question dont une idée par post-it. Les différentes réponses collectées ont été lues en public. L’analyse des réponses des participants a révélé que :
- Le système académique ivoirien doit innover pour améliorer l’existant, induire le changement, se développer, s’adapter, répondre aux besoins économiques et sociétaux locaux et résoudre les problèmes ;
- Les acteurs clés sur qui repose l’innovation en Côte d’Ivoire sont la société civile, l’État, les universités, les entreprises, les financiers, les chercheurs, les enseignants, les inventeurs et les communautés territoriales ;
- Les freins et les besoins pour l’innovation en Côte d’Ivoire sont le manque de financement, d’équipements, d’idées, de volonté, l’insuffisance d’espaces dédiés, le manque de formation, et l’absence d’accompagnement ;
- Les thématiques qui paraissent les plus urgentes dans la pratique de l’innovation en Côte d’Ivoire sont l’Agriculture, la Santé, l’Éducation, l’Environnement, l’Alimentation et la Technologie.
Les deux conférences ont enregistré 244 participants, la table ronde 60 participants ciblés. Les enseignants chercheurs participants aux conférences et à la table ronde ont relevé la pertinence du processus de l’innovation présenté par les conférenciers. Par la suite, ils ont de manière générale établi un état des lieux de la recherche participative dans leur domaine d’activité. Lesquels domaines sont l’agriculture, le développement durable au sens large, la biologie et l’écologie, l’environnement, la nutrition, la sécurité alimentaire, la pêche et l’aquaculture, l’éducation, l’ichtyologie, la santé humaine et animale, la production animale, les finances et l’hydrobiologie.
La présentation du processus de l’innovation au système universitaire ivoirien a permis de comprendre les besoins humains, financiers et techniques pour trouver des solutions innovantes adaptées à la résolution des problèmes locaux. Aussi, pendant la crise de la COVID 19 en Côte d’Ivoire, j’ai été ravie de voir une équipe d’enseignants chercheurs et d’étudiants du Département du génie mécanique et génie électrique de l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (INP-HB), la seule structure universitaire ivoirienne à disposer de machines numériques spécifiques, s’inspirer des tutoriels de :
- i) dispositifs de respiration artificielle d’urgence peu onéreux,
- ii) masques en plastiques lavables et réutilisables et
- iii) des visières de protection imprimées en 3D pour les produire et les rendre localement disponibles.
Les Laboratoires d’innovation doivent être multipliés dans le milieu universitaire de manière à susciter les compétences du XXI siècle en son sein et à contribuer à la résilience face aux nouvelles menaces sur l’environnement, la société et la vie.