Par Thomas Hervé Mboa Nkoudou

Au cours de mon séjour de recherche, je me suis intéressé à la place réservée aux femmes au sein des Makerspaces d’Afrique francophone subsaharienne. Le cas d’Ongola Fablab au Cameroun est fort édifiant ; d’une part, sur les préjugés qui existent sur les femmes au sein des FabLabs. D’autre part, sur les stratégies mises sur pied pour briser ces préconçus et permettre l’émancipation des femmes au sein du Fablab.

Femmes et préjugés

Les préjugés les plus récurrents que nous avons retrouvés dans les interviews avec les hommes présentent la femme comme un être faible prédestiné à des tâches domestiques. Ces préjugés sont peut-être choquants, mais pas autant lorsqu’on se rend compte que certaines femmes trouvent le moyen d’accepter et défendre ces situations.

La femme, un être faible et diminué par rapport à l’homme !

Cette idée est très présente auprès des membres de gent masculine d’Ongola Fablab, comme le démontre le propos de l’un d’eux : « la femme a toujours été un être faible de nature, nous tous on le sait, c’est une vérité universelle. Elle a ses limites, il y a des choses qu’elle ne peut pas faire que seul l’homme pourra faire, donc elle connaît déjà sa place. »

Une femme enseignant comment scier une planche
Figure 1: Une femme enseignant comment scier une planche

La femme, un être prédestiné à certaines tâches

L’un des interviewés déclare : « ce n’est pas aujourd’hui qu’on le sait, il y a des métiers qui sont considérés en Afrique comme des métiers d’hommes. Tout ce qu’on a au Fablab, c’est des machines, c’est de l’électronique. Toutes ces choses, on sait que c’est des choses d’hommes ». Pour un autre, c’est tout naturellement que les femmes sont d’abord attirées vers des métiers traditionnels comme la couture, la broderie, la décoration et ne s’intéressent pas à l’électronique, la menuiserie, etc. Pour certains hommes, ce déterminisme va plus loin ; dans la mesure où ils estiment que la femme a des prédispositions à vaquer aux tâches domestiques comme la vaisselle. D’où cette déclaration : « vous savez, c’est déjà écrit que c’est aux femmes de faire la vaisselle, donc parfois quand l’homme est là, il n’a pas souvent ces idées, mais la femme pense à ça et elle part laver ».

La légitimation des préjugés par les femmes du Fablab : le paradoxe

Il est paradoxal de constater qu’au nom de la culture africaine, les femmes du Fablab défendent et soient aussi passives face à ces préjugés. L’une affirme que :

L’homme c’est l’homme, on ne peut pas changer ça, c’est lui qui maîtrise la situation, c’est lui qui est au-dessus […] Par exemple, tu peux être avec les garçons ici là, ils lavent les tasses, tu les vois laver, ce n’est pas normal. Laver le sol, oui, peut-être si moi je ne me sens pas bien, que peut-être je ne peux pas laver aujourd’hui ça peut se comprendre. Mais dire qu’ils lavent les tasses alors que je suis là, c’est un peu bizarre. On peut comprendre qu’il lave le sol, mais qu’il lave les assiettes, les choses comme ça là, alors qu’une femme est à côté d’eux c’est un peu bizarre. Ce n’est pas que c’est une marginalisation, mais c’est juste que la femme doit reconnaître sa place.


Le Fablab comme milieu d’émancipation de la femme

Conscients de tous ces préjugés qui pourraient entraver le fonctionnement d’Ongola Fablab, le Fabmanager et son assistant ont décidé de mener une croisade contre les préjugés.  Pour ce faire, ils ont pris un certain nombre de mesures, qui ont eu des conséquences positives sur l’émancipation des femmes.

Le refus des femmes d’être réduites aux tâches domestiques.

Cette révolte fait suite à la résolution de mettre : « en priorité l’être humain, on ne cherche pas à savoir tu es une femme ou un homme. Nous sommes tous au même pied d’égalité ». Ainsi, pour ces femmes, les tâches domestiques sont une option possible pour une femme ou un homme ; et non une tâche qui lui incombe du fait qu’elle est une femme.

Figure 2: une femme au contrôle d’une impression 3D

Quand les hommes reconnaissent que les femmes sont leurs égales !

Ce changement d’attitude des hommes vis-à-vis des femmes est intervenu suite à la résolution de leur confier des tâches dites « réservées aux hommes ». J’ai pu ainsi, observer personnellement des femmes excellentes dans l’exécution des travaux de menuiserie ou d’électronique. Pour tous les membres-hommes, il semble se former un consensus selon lequel les femmes et les hommes sont égaux dans le cadre de la recherche et de la production des connaissances.

De toute évidence, on peut donc dire que les Makerspaces sont des lieux qui concourent à briser les préjugés et participent du plein épanouissement de la femme africaine.