En collaboration avec le Centre de recherche en droit, technologie et société (CDTS), DST/NRF/ Newton Fund Trilateral Research Chair in Transformative Innovation, et, 4th Industrial Revolution and Sustainable Development de l’Université de Johannesburg, Open AIR a organisé un webinaire francophone sur l’informel à l’ère de la Covid-19 en Afrique, le 28 août 2020.
Le webinaire fut l’occasion pour établir un état des lieux sur l’informel en temps de pandémie. De nombreuses questions se présentent et s’imposent face à une situation si complexe soit-elle : Quelles sont les conséquences économiques et sociales sur l’emploi informel en Afrique ? Quelles sont les actions à mettre en oeuvre urgemment pour atténuer ces conséquences ? Quelles sont les actions à moyen terme pour déconfiner et relancer progressivement ? Quelles les actions pour faire de l’innovation informelle un levier de la relance post-pandémie ?
Open AIR a invité Fatou Gueye, Professeure à l’Université Cheikh Anta Diop, Sénégal, Erika Kraemer-Mbula, Professeure à l’Université de Johannesburg, Afrique du Sud, Florent Song-Naba, Professeur à l’Université Ouaga II, Burkina Faso, et, Marie-Thérèse Um-Ngouem, Professeure à l’Université de Douala, Cameroun.
Le webinaire a été introduit par Prof. Jeremy de Beer et animé par Abdelhamid Benhmade. Si l’échange a eu lieu essentiellement en français, un résumé en anglais a été présenté après chaque intervention. Victoria Schorr et Esther Ngom, chercheures associées à Open AIR, ont assuré la traduction.
Attention aux conséquences de la Covid-19
En Afrique, 5 millions à 29 millions de personnes passeraient sous le seuil de pauvreté extrême à cause de la pandémie. Les employés informels seraient contraints de cesser leurs activités informelles de façon temporaire ou définitive. Ainsi, ils risqueraient de basculer dans la pauvreté transitoire et d’y rester pendant une décennie ou plus.
Un tel constat a été partagé par les quatre intervenants qui ont constaté que la Covid-19 a frappé de plein fouet, non seulement les micro-entreprises informelles, mais aussi, toutes les entreprises opérant dans l’économie formelle. Au Sénégal, Prof. Gueye a noté que la réduction de la production informelle de 50% a induit une baisse du PIB estimée à 20%. Selon ses analyses, les micro-entreprises informelles se heurtent à la perturbation, voire à la rupture des chaînes de production et de distribution des biens de consommation. En Afrique du sud, Prof. Kraemer-Mbula explique que, pour tenter d’enrayer la propagation de la pandémie, le gouvernement sud-africain a appliqué un strict confinement qui a mis l’économie au ralenti. Une telle situation lui paraît insoutenable pour la population qui dépend de l’informel, en l’occurrence, pour les femmes qui sont les plus affectées en raison de la nature de leurs emplois. Au Burkina Faso, Prof. Song-Naba constate que la pandémie a engendré une baisse de la croissance de 3,5%, contre une hausse initialement prévue de 6,3%. Le chômage a connu une montée de 5,92%. Ces contre-performances mènent à un ralentissement de la demande, qui nuit à la performance économique du tissu entrepreneurial informel. Au Cameroun, Prof. Um-Ngouem note que 80% des micro-entreprises informelles ont déjà connu une baisse de production, dont l’ampleur est de l’ordre de plus de 50% pour la moitié d’entre elles. Quelques producteurs de denrées périssables ont connu d’énormes pertes à cause de la baisse des prix et la faible capacité de conservation et de transformation.
Les entrepreneurs informels font preuve de résilience
Toutefois, tous nos panélistes ont précisé que la pandémie n’a pas que de conséquences négatives. Nombreux sont les acteurs informels qui ont fait preuve d’innovation et de résilience, et ce, en réorientant leurs métiers vers les activités les plus opportunes. Il s’agit, en particulier, de la fabrication de gels et des masques et de l’installation de stations mobiles de lavage des mains. Les micro-entreprises informelles ont dû revoir leurs circuits de distribution et se sont tournées vers le numérique pour assurer la vente en ligne de leurs produits. Plusieurs groupes communautaires se sont formés à l’échelle locale pour venir en aide à ces micro-entreprises notamment pour leur partager le savoir-faire nécessaire.
L’informel au service de l’inclusion
En guise de conclusion, nos invités ont rappelé que la relance doit reposer sur des mesures institutionnelles pour alléger la pression fiscale sur l’ensemble du tissu entrepreneurial, d’une part, et, d’autre part, sur des programmes d’accompagnement adaptés aux entrepreneurs informels. À ces mesures s’ajoutent des mesures sociales pour une relance inclusive et durable. Le besoin d’une protection sociale adéquate et élargie n’a jamais été aussi évident et urgent. L’accès à la santé pour les acteurs informels gagnerait à être prolongée et mobilisée au-delà de la crise actuelle.
Avant de clôturer le débat, la session questions-réponses a permis d’échanger avec nos invités africains, canadiens et européens. D’ailleurs, leur présence a été d’autant plus appréciée que leurs contributions et questions ont été nécessaires pour enrichir ce débat qui se veut un débat pluri-disciplinaire.
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